Samâdhi est un terme sanskrit utilisé dans les philosophie du yoga et du bouddhisme. Son large champs d'utilisation a entraîné un important élargissement sémantique. Ce substantif
masculin signifie "union, totalité, accomplissement, achèvement, mise en ordre, concentration totale de l’esprit, contemplation, absorption, état de pure conscience, état d'unité, extase,
enstase "(1). Enstase est un néologisme qui désigne une expérience mystique naturelle, par opposition à l'extase expérience mystique
surnaturelle (2). Selon Jean Varenne « Ce néologisme a l'avantage de faire violemment contraste avec la traduction tout à fait erronée de samâdhi par
«extase» (3). Les trois termes état d'unité, état de pure conscience et enstase seront utilisés ici.
Dans les Yoga-Sûtra de Patanjali, le samâdhi est la huitième et ultime étape de l'ashtânga-yoga (4). Le samâdhi constitue l'objectif du yoga à savoir l'état d'unité, l'enstase, un état déconditionné, libéré des automatismes de comportement et de pensée, un état où l'on peut faire un avec la vie en acceptant sans souffrance que tout change et se modifie (5).
Le yogi en état de samâdhi s'immobilise totalement par extinction progressive de tout ce qui cause le mouvement. Plusieurs qualifications du samâdhi précisent les differentes étapes et les différents niveaux de cette immobilisation: concentration avec ou sans objet (6), type d'objet (7), subsistence ou pas de l'ego, activité mentale ou pas, détachement ou pas des impregnations conscientes et inconscientes.
Dans le samprajnata samâdhi premier stade du samâdhi l'esprit ne se disperse plus, il est en harmonie avec l'objet sur lequel il se concentre, mais l'ego est toujours là qui pense et qui ressent. Samprâjnata-samâdhi se cractérise par l'activité mentale vritti toujours active.
Le savitarkâ-samâdhi et le savichâra-samâdhi désignent des enstases avec raisonnement par concentration respectivement sur des objets grossiers ou sur des objets subtils: le temps, l' espace ou la causalité.
Le prasamkhyâna samâdhi désigne l'état supérieur du samprajnâta, caractérisé par la discrimination entre le Soi et le non-Soi .
Dans l' asamprajnâta samâdhi deuxième stade du samâdhi, la pensée devient définitivement immobile et les modalités même de la méditation ne créent plus d'activité mentale, on atteint un état d'enstase dans la vacuité totale, sans contenu sensoriel et sans structure intellectuelle. L' asamprajnâta samâdhi est donc un état de pure conscience sans objet mais il n'est pas stable ni durable car la mémoire et les impregnations du passé qu'elles fassent partie de son histoire ou de son inconscient ou de l'inconscient collectif, sont toujours là capables de déstabiliser la conscience.
Le nirvitarkâ-samâdhi est une enstase sur des objets grossiers, mais le mental est en relation directe avec l'objet sans raisonnement ni accès à la mémoire. Le nirvichâra-samâdhi est une enstase sans activité du mental où temps, espace, causalité se sont résorbés, de sorte qu'il n'y a que vacuité.
Dans le nirbija samâdhi troisième stade du samâdhi, les pensées automatiques sont calmées et les imprégnations conscientes et inconscientes qui créent les forces de l'habitude sont aussi supprimées. A ce stade le mental a découvert et lâché ce qui l'encombre; il ne fait plus obstacle entre la réalité et notre conscience profonde qui est la véritable source de perception. Quand le nirbija-samâdhi débouche sur la paix du Soi, on l'appelle ânanda-samâdhi enstase en béatitude.
Le vikalpa-samâdhi désigne le stade le plus haut du samâdhi . Le sa-vikalpa-samâdhi est une enstase qualifiée où le yogi s'identifie à un objet précis pour le connaître intimement tandis que le nir-vikalpa-samâdhi stade le plus haut du samâdhi désignei une enstase non qualifiée où le yogi ne médite plus sur un objet mais sur lui-même.
Le vikalpa-samâdhi est une enstase mystique naturelle avec un état modifié de conscience, un état sans retour, sans contenu sensoriel, sans structure intellectuelle, sans traces d'imprégnations au point que selon les Upanishads du yoga "dans le samâhdi parfait il y a extinction définitive de la personnalité" (8). Seule subsiste en amont de la conscience, une sensation impersonnelle de l'acte d'exister (9).
Références:
(1) Wikipedia
(2) Psychotherapie Vigilance: http://www.psyvig.com/lexique.php?menu=4&car_dico=E&id_dico=175:
à la suite de Mircea Eliade, l'enstase désigne « l'expérience de mystique naturelle », qui s'oppose à l'extase, expérience de mystique surnaturelle.
(3) Jean Varenne cité dans Psychotherapie Vigilance: http://www.psyvig.com/lexique.php?menu=4&car_dico=E&id_dico=17 5:
(4) Yoga Sutra 2-29
(5) Yoga Sutra 1-17, 1-18
(6) Yoga Sutra 1-42, 1-43, 1-47
(7) Michel Hulin, La mystique sauvage, Paris, PUF, 1993, p.23. (ISBN 978-2-13-057115-5)
(8) « Upanishads du yoga » , traduction de Jean Varenne, éd. Gallimard/Unesco, 1971
(9) cité par Joseph-Marie Verlinde dans « L'Expérience interdite ».